29 avril 2008

Le pouvoir à l'Assemblée

Suppression du Sénat, interdiction du cumul des mandats, droit de proposition d'initiative populaire... Alors que Sarkozy annonce un toilettage et une présidentialisation du régime, le Shadow Cabinet vous dévoile sa réforme audacieuse de la constitution. Une réforme pour moderniser la Ve République après 50 ans d'existence, la rendre plus démocratie et lui redonner souffle! A contester et à débattre, évidemment.


Le Shadow Cabinet n’est pas en faveur d’une VIe République. Mais après 50 ans d’exercice, il propose une modernisation de la constitution. Il faut en effet l’adapter au contexte d’aujourd’hui : la guerre d’Algérie est finie, le bipartisme beaucoup plus fort qu'en 1958 et le risque d’instabilité très réduit. Il est donc temps de renforcer l’Assemblée et de lui rendre le pouvoir de faire les lois. Pour cela, le Shadow Cabinet propose :

1/ Supprimer le Sénat
Créé à l’origine pour représenter l’aristocratie, le Sénat n’a aujourd’hui plus aucun fondement. Garant de la stabilité institutionnelle ? Le Conseil Constitutionnel s’en charge et le risque d’une crise grave est faible ! Représentant des territoires ? Les députés ne se font pas prier pour défendre le territoire de leur circonscription –et garantir leur réélection. Partie essentielle du Parlement ? L’expérience des pays nordique montre que la législation d’un pays monocaméral n’est pas moins bonne que celle d’un pays bicaméral. Le Sénat n’est justifié que dans les pays fédéraux pour représenter les Etats fédérés (comme aux Etats-Unis ou en Allemagne).

2/ Transférer la totalité de l’ordre du jour à l’Assemblée
La question de l’ordre du jour à l’air dérisoire, c’est en fait une des clefs d’un régime politique : il s’agit de savoir qui choisit les lois soumises au vote. Pour l’instant, la quasi-totalité des lois sont faites par le gouvernement. Les députés sont ensuite politiquement contraints de les voter avec une faible possibilité d’amendement. Donner l’ordre du jour à l’Assemblée permet donc de renforcer les pouvoirs du Parlement et surtout d’obliger le gouvernement à consulter sa majorité. Il n’y a pas de risque de blocage : les députés du parti majoritaire déposeront les projets du gouvernement. Mais ils auront -enfin- un moyen de pression pour faire entendre leur voix.

3/ Interdire le cumul des mandats
En plus de provoquer des élus dilettants et absentéistes, le principal problème du cumul des mandats est de créer une classe politique peu accessible. De fait, les barons –généralement agés- vérouillent tous les postes en étant à la fois maire et député ou sénateur. Interdire le cumul de deux fonctions exécutives ou parlementaires (maire, président de conseil général ou régional ou député) va donc renouveler la classe politique en libérant de nombreuses places.
En contrepartie, il faut créer un statut de l’élu avec une rémunération et un système de retraite et de chomage clairs et unifiés au niveau national (de la même façon que les fonctionnaires avec plusieurs catégories). Les entreprises doivent aussi accepter de mettre à disposition les salariés qui souhaitent être candidat pendant la durée de la campagne électorale pour éviter que l’Assemblée soit composée uniquement de fonctionnaires et de professions libérales.

4/ Inverser le calendrier entre les élections législatives et présidentielles
Là encore, ça semble anecdotique, mais ça ne l’est pas du tout. Le calendrier inscrit un ordre des priorités. Mettre les législatives avant les présidentielles évite la tendance à la présidentialisation et à la personnification du régime. On vote d’abord pour un projet au Parlement puis pour la personne qui va l’exécuter.

5/ Reconnaître un droit de proposition d’initiative populaire
Ce droit permet à la société civile d’attirer l’attention du Parlement sur un problème donné. Si le texte soumis par une association ou un collectif obtient plus d’un million de signatures, l’Assemblée est obligée d’examiner la proposition de loi. On encourage ainsi la participation citoyenne en évitant les dérives de la démocratie directe. Et avec ca, le Shadow Cabinet pourrait faire passer toutes ses réformes !

8 commentaires:

Anonyme a dit…

1/ Je conteste l'argument de la translation de la représentativité des territoires des sénateurs aux députés. Les députés sont élus pour représenter le peuple français, ils ne peuvent et ne devraient pas être les défenseurs des intérêts et privilèges de leur circonscription.
>> Tenir ce type de discours, « Les députés ne se font pas prier pour défendre le territoire de leur circonscription –et garantir leur réélection », revient à entériner cette déviance ou reconnaître l'utilité d'une représentation des territoires à l'échelle nationale.

2/
(a) Dans les faits, les périodes où les députés ont la liberté de l'ordre du jour sont peu utilisées à cet effet.
(b) Sur la pratique, il est normal que le gouvernement produise la quasi totalité des lois puisqu'il a les outils pour le faire. Ce n'est pas le cas du député et de son assistant.
(c) Sur le fond, Questions ouvertes : > En cas de majorité plurielle et divisée sur des thèmes, comme la politique de l'énergie, nucléaire, pas nucléaire, n'existe-t-il pas le risque que cette question ne soit pas mise à l'ordre du jour de façon à éviter à la majorité d'étaler ses divisions ? > Accorder la totalité de l'ordre du jour à l'Assemblée, n'est-ce pas renforcer les partis, puisqu'il y aurait liaison directe entre le gouvernement et les députés en permanence, plutôt que le Parlement lui-même ?

caroline (sc) a dit…

Je pense qu’il est utopique de croire que le député, élu par circonscription, peut, une fois élu se détacher de sa circonscription pour « s’élever » vers la dimension nationale. Il est vrai que tenir ce type de discours, c’est entériner une déviance, mais je crois que cette déviance est inévitable (voire nécessaire ?). Chaque député tient une permanence dans SA circonscription et beaucoup de citoyens le considèrent comme leur seul référent à l’échelle national.
Quant au sort du Sénat, je suis pour sa suppression dans l’état actuel des choses, mais il faudrait réfléchir à sa transformation en organe de « représentation social » (les travailleurs ?), en adaptant bien sur ses prérogatives. Si la représentation des territoires n’est plus pertinente aujourd’hui (mobilité accrue, le processus de décentralisation donne une visibilité nouvelle aux territoires), celles des travailleurs l’est plus que jamais dans un contexte de réforme du code et de la valeur même du travail.

Transférer la totalité de l’ordre du jour à l’AN est évidemment indispensable. Les médias n’en parlent presque pas mais c’est un outil indispensable pour redonner du pouvoir au Parlement. Ce système permettra une plus grande liberté de vote des députés (vers la fin de la discipline de vote bête et méchante ? je suis peut être naïve…). En tout cas, je suis convaincue que donner l’ordre du jour à l’AN, c’est l’assurance d’une législation moins axée sur l’actualité, réalisée à la va-vite dans le feu de l’action. Je pense que cela permettra de limiter les effets d’annonce et de jouer sur l’émotion pour faire passer certaines lois (loi sur la rétention de sûreté par exemple).

caroline (sc) a dit…

Pour la question du droit de proposition d’initiative populaire. Je suis tout à fait pour ce genre de réformes qui replace l’individu dans son rôle de citoyen. Mais il faut signaler que ce genre de réforme nécessite une « formation » du citoyen au préalable sans quoi cette réforme risque d’être inutile car peu ou pas utilisée.
En effet, on peut déjà soumettre une pétition à son député. Je doute qu’il y ait une réelle différence d’impact entre une pétition de 1million de personnes et le droit de proposition d’initiative populaire, le dernier mot revenant toujours à l’Assemblée (et donc aux élus).
De plus, j’ai peur que sans formation et sensibilisation à cet outil-citoyen, il soit très peu utilisé. On peut citer l’exemple du référendum décisionnel local qui existe depuis la réforme de mars 2003 et même si l’initiative n’appartient pas « au peuple », c’est un outil de démocratie locale. Or, cet outil est très peu utilisé, notamment car la grande majorité des citoyens ne savent pas que cet outil est disponible. Ils ne font donc pas pression sur leur assemblée locale pour mettre en place des référendums locaux.
De même, il existe au niveau local un droit de pétition permettant aux électeurs d'obtenir l'inscription à l'ordre du jour d'une assemblée locale d'une question relevant de sa compétence. Il est dans les faits très peu utilisé faute d’information.

Anonyme a dit…

Ma proposition,



Hare krishna



...

Pignouf a dit…

Peut-on encore parler de Ve République après une telle proposition ? (que j'approuve globalement).

On a déjà changé de numéro pour moins que ça, alors osons assumer notre démarche réformatrice, qui pourrait d'ailleurs s'étendre à d'autres domaines/institutions que le Parlement.

Même si cela doit bousculer quelques électeurs (de droite?), le terme "VIe république" n'est pas un gros mot.

Pignouf a dit…

Une des prérogatives du Sénat n'a pas été évoquée : la relecture des textes. Je pense que le processus de navette parlementaire a son utilité, qui est de débattre un projet ou une proposition de loi. Ce temps de dialogue permet aussi à la société civile de se pencher un peu sur le texte, de s'intéresser aux tenants et aboutissants.

S'il on supprime le Sénat, je pense qu'il faille trouver un processus de discussion d'un texte nouveau, qui est la même utilité que la navette.

Anonyme a dit…

Bonne nouvelle, je suis d'accord avec toutes vos mesures! Les réacs' ne sont plus ce qu'ils étaient...

Je dois cependant ajouter un bémol concernant l'inversion du calendrier entre les élections législatives et présidentielles. Je ne pense pas que cela changera grand chose : les partis ont toujours un chef de file, car cela est bien plus efficace sur le plan de la communication. L'information est concentrée et personifiée.

Cela me surprend en revanche que vous ne mettiez pas en cause la réforme du quinqennat ! Le quinquennat a aligné les élections de l'AN sur les présidentielles, ce qui conduit mécaniquement à une présidentialisation du régime. Ainsi, si j'étais vous (personnellement, je suis contre cette réforme), je demanderais un décalage des élections législatives afin de donner le pouvoir au peuple de changer en cas de mécontentement face au président.

Concernant la question de Camille à propos des désaccords au sein des majorités, ils surviennent de toutes façons lors de la procédure de vote des lois. En outre, je crois que le gouvernement doit avoir le pouvoir d'imposer dans une certains mesure (à vous de préciser) certaines mesures dans l'ordre du jour.

Je ne suis pas sur d'être clair, je dis sûrement des bêtises (vous ne contredirez pas cela !), mais j'implor votre magnanimité et vous demande de mettre ces bêtises sur le compte de ma mauvaise connaissance du fonctionnement des institutions (d'où le besoin d'insister sur les cours de fonctionnement des institutions au collège/lycée... comme vous l'avez proposé)

Anonyme a dit…

Voici la contre-production du Schattenregierung :

1/ L'assemblée est élue au scrutin proportionnel et le sénat au scrutin majoritaire pour 6 ans à l'aide d'un scrutin uninominal à un tour sur la base du département (avec pour les gros départements plusieurs sénateurs, il y a bien 2 sénateurs élus ainsi par état américain).

Pas besoin de supprimer le Sénat si on le réforme drastiquement.

2/D'accord sur l'ordre du jour et les mandats non cumulatifs (avec une exception pour les maires des petites communes en attendant la grande réforme communale qui diminuera le nombre des communes de deux-tiers environ).
Un point à régler quand même : qui choisit l'ordre du jour : le bureau de l'assemblée, une conférence des présidents de groupe, une commission ad hoc, chaque groupe avec un droit proportionnel au nombre de membres... ?

3/ Pas besoin d'inverser le calendrier si le président est élu pour un mandat 7 ans non renouvelable et privé du droit de dissolution à moins de crise rendant impossible de remplacer le premier ministre démissionnaire (comme en Allemagne).

4/ Restons en Allemagne pour la motion de défiance constructive.

5/ Le système italien du référendum abrogatif est peut-être plus pertinent qu'un droit d'initiative populaire.

6/ Faisons enfin dépendre d'un référendum toute modification constitutionnelle (là les exemples sont nombreux).

Continuons à débattre !

Signé Bastinine, libérateur du Boutrachistan.

 

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